LA MARCHE – Des pieds à la tête (0)

          

DES PIEDS A LA TÊTE

Analyse de trajectoires, seconde partie

Dans de précédents chapitres, nous avons analysé la formation des trajectoires du bassin, de la tête et des extrémités des membres inférieurs de façon distincte, sur des marches ou des courses simplifiées pour permettre leur comparaison. Nous en avons tiré des principes supposés s’observer toujours.

C’est ce que nous allons vérifier sur les marches de « Beauté du déroulé » et du « Bon sens des pieds », réalisées de façon moins systématique que les précédentes. Le comportement des pieds n’étant pas sans effet sur la posture du corps, reste à voir si les trajectoires qui en résultent sont bien celles auxquelles on devrait s’attendre.

Pour analyser les trajectoires de ces différentes marches, on observe, sur un cycle sur place, si la tête et le bassin forment une simple courbe, rectiligne, concave ou convexe, ou bien une boucle, plus ou moins elliptique, ou bien un 8 pour les cycles de face. On compare leur taille, leur pente relative au sens du mouvement, et on regarde ce qu’elles deviennent dans un cycle développé.

Les trajectoires d’enjambées sembleront plus complexes que celles du  précédent chapitre, car elles rendent compte du mouvement des chevilles, mobiles lors des appuis. Mais on doit reconnaitre, pendant la phase de levé, trois moments, concave, convexe, concave, de manière plus ou moins marquée selon la marche.

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  1. Marche basique de profil
  2. Le pressé
  3. Le méditatif
  4. Le mécontent
  5. Le discret
  6. Le discret pressé
  7. Le pataud
  8. L’esprit volatile
  9. Volatilisme radical
  10. Le nerveux
  11. Le rasta
  12. Le dégingandé
  13. Le satisfait
  14. Le recul
  15. Le moonwalk
  16. Marches et courses de face

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Marche basique de profil

Cycle en 24

Quand on marche normalement, le tronc reste droit, sauf physionomie particulière. Il oscille verticalement et avance horizontalement à vitesse constante. La synthèse des deux mouvements, horizontal et vertical,  donne au bassin et à la tête une trajectoire verticale sur un cycle sur place,…

… et une courbe proche d’une sinusoïde sur un cycle développé.

Dans le cycle sur place, la trajectoire d’enjambée semble ne dessiner, du levé au posé, qu’une courbe concave. A bien y regarder, les trois moments sont bien présents. Les deux autres se distinguent mieux dans le cycle développé.


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Le pressé

Allonger le pas accentue les moments de propulsion et d’amorti des pieds, en même temps que les effets d’oscillation du tronc. Tête et bassin connaissent désormais des variations de vitesse horizontales. Leurs trajectoires deviennent des ellipses approximatives inclinées vers le bas dans le sens de la marche. Une similitude qui masque presque une différence notable :  tête et bassin parcourent chacun leur ellipse en sens inverse de l’autre.

Observons l’effet de cette inversion sur les trajectoires développées. Tandis que la tête dessine  des vagues, pointes en haut, le bassin dessine des dunes, pointes en bas. Autrement dit, les deux reproduisent le même motif (à peu près) à 180° d’écart.


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Le méditatif

Augmenter la durée du cycle est une manière plus certaine de faire varier la vitesse du tronc, surtout au niveau du bassin. La tête, plus éloignée des jambes, subit moins l’arrêt à chaque pas. C’est mieux pour réfléchir.

Bien que d’importance inégales, les deux oscillations sont synchrones.

Observons la pointe de la trajectoire d’enjambée, typique d’un pied lancé loin en avant et qui retombe en reculant. Elle rappelle la « poulaine », étudiée sur les cycles de courses.


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Le mécontent

Quand on boude, on tape des pieds en s’aidant d’un mouvement du tronc. On le fait sans s’en rendre compte, pas plus qu’on ne sent son corps se redresser en même temps que la jambe d’appui se tend. C’est normal. On ne boude pas pour s’observer bouder, mais pour montrer qu’on boude.

Les trajectoires du bassin et de la tête du cycle sur place sont de simples courbes, effet d’un mouvement sec et nerveux. Notons que l’une plonge en avant tandis que l’autre s’élève. Prolongées, elles seraient sécantes devant le marcheur.

Cette inversion de pente à l’horizontale dessine le même type de vague dans le cycle développé. Simplement, le sommet de courbe est à l’arrière du motif pour la tête, à l’avant pour le bassin.

Dans le cycle sur place, la trajectoire d’enjambée rappelle le type « lampe d’Aladin ». Dans le cycle développé, elle produit des dents de scie émoussées.


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Le discret

Le discret pose la pointe du pied avant le talon. Sa tête et son bassin dessinent des ellipses plutôt ouvertes, effet de sa lenteur et de sa souplesse.

Cette marche est dite « furtive ». Elle se caractérise aussi par le mouvement inverse de la tête relativement au pied qui se pose.


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Le discret pressé

Le discret pressé ne prend pas le temps de poser les talons au sol. Plus nerveux, sa trajectoire de bassin est rectiligne et verticale, tandis que sa tête dessine encore une petite ellipse. Mais celle-ci s’élève cette fois vers l’avant, participant ainsi à l’élan.

Les trajectoires développées du tronc du précédent discret dessinaient des concaves plus longues que les convexes. Cette fois, les convexes sont plus longues que les concaves.


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Le pataud

Le pataud fait durer l’aplat du pied pendant le double appui pour contrôler un ballant excessif du tronc. Son air bête ne l’empêche donc pas d’être prudent.

Prudent mais optimiste, si on en croit la projection en avant de la tête, signe d’allant. Notons les pentes opposées de la tête et du bassin. En les prolongeant, elles seraient sécantes à l’arrière du marcheur.

Encore une fois, cette inversion produit, dans le cycle développé, une inversion des sommets des motifs des trajectoires (en avant pour la tête, en arrière pour le bassin).


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L’esprit volatile

Par esprit volatile, nous n’entendons pas ici une personne peu fiable, mais qui tend à balancer le tronc comme un pigeon, d’où l’expression. Ce ballant s’exerce naturellement si on atténue le moment de propulsion des pieds, vous pouvez essayer.

La trajectoire elliptique de la tête dans le cycle sur place devient une suite de boucles dans le cycle développé. Son amplitude sur place est donc supérieure à 1/2 pas, condition du recul en développé.

Notons l’arrondi marqué de la trajectoire d’enjambée, dû au brusque décollement du pied. Le moment « convexe » a totalement disparu.


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Volatilisme radical

Cet esprit volatile ne se contente pas de réduire la propulsion. Il prolonge l’amorti sur toute la durée d’appui, et décolle le pied à peine arrivé à plat. Cela accentue le déséquilibre et la bascule du tronc.

Ce n’est pas très spontané. Si vous essayez, n’espérez pas tromper de vrais pigeons.


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Le nerveux

Comme le méditatif, il balance plus du bassin que de la tête, mais plus vite, d’où cet air de « pousse-toi d’là que j’m’y mette » qui évoque plus l’excité à éviter que le penseur à déranger.

Sa nervosité  se lit d’ailleurs sur les dents de scie des trajectoires du bassin et d’enjambées.


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Le rasta

Quand on marche, on peut se donner un air dansant à moindre frais en réduisant au maximum les doubles appuis et en levant haut les genoux à chaque pas. Cela abaisse automatiquement la tête et fait reculer le bassin, le tout de façon synchrone. Certains prétendent qu’on n’y arrive bien qu’en fumant, ce qui n’est pas vrai.

Remarquons la trajectoire d’enjambée en 8 du cycle sur place, qui devient une suite en dents de scie, voire de requin, dans le cycle développé.


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Le dégingandé

Contrairement à l’esprit volatile, le dégingandé néglige l’amorti et privilégie la propulsion.

Sa tête et son bassin dessinent des trajectoires elliptiques qu’ils parcourent dans le même sens et de façon synchrone. Tout indique une marche mal maitrisée, et un risque de chute en avant.


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Le satisfait

Voici une marche en « double bounce », bien connu de la panthère rose. Ce type de marche consiste à effectuer deux oscillations verticales par pas au lieu d’une, pour une horizontale. Sur quatre phases principales par pas, une haute succède à une basse, qui succède à une haute, qui succède à une basse.

On peut envisager moult variantes. Celle-ci propose une phase haute en 1ère principale (contact), une basse en 2nd (faux pas), une haute en 3ème (double appui), et une basse en 4ème (passage). Elle ne respecte donc pas le déroulé habituel d’un pas, le passage étant normalement en 3ème phase.

La tête et le bassin se mettent à dessiner des 8 qui, développés, deviennent une suite de bosses et de pointes. Évidemment, la trajectoire d’enjambée n’est pas non plus très conventionnelle.


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Le recul

Un recul est une sorte de marche discrète à l’envers.  De la même manière, on commence par poser la pointe du pied,  mais derrière soi, tandis que la tête, dans un mouvement inverse, avance devant.

Le recul est le seul cas où l’on décolle le pied par la pointe d’abord, le talon ensuite. Si vous doutez, essayez de faire pareil en avançant.


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Le moonwalk

Quand Mickael Jackson s’est mis à marcher comme ça, les fans ont fini fous. Un mouvement impossible, reculer en avançant les pieds. Ajoutez l’attitude robotique de l’artiste, et le concert s’élevait au rang d’expérience de science fiction.

Quiconque s’y est essayé connait la raison de cette raideur robotique : pour reculer, il faut faire glisser en arrière un pied au sol en prenant appui sur la pointe de l’autre pied, exercice impossible sans contracter tout son corps.

Retenons ce qui fait l’aspect robotique : tête et bassin oscillent de façon rectiligne, parallèle et parfaitement synchrone. Les mouvements saccadés introduisent des pointes dans les trajectoires, sur place ou développées.

     

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