LE MOUVEMENT – NOTIONS – L’effet stroboscopique

          

L’EFFET STROBOSCOPIQUE

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  1. Un effet inhérent à la technique cinématographique
  2. Le flou de mouvement
  3. Le cadran à aiguille
  4. La roue qui tourne à l’envers
  5. L’art de piéger les moineaux

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Un effet inhérent à la technique cinématographique

L’effet stroboscopique est produit par une succession d’images non continues, séparées par un temps d’obscurité. Bien connu dans les boites de nuit, où l’on arrose les danseurs de lumière intermittente, c’est aussi celui des vieux films où l’on intégrait, dans des scènes filmées à 24 images/seconde, des marionnettes animées image par image.

Qui se doute que l’on voit cet effet sans le voir, chaque fois que l’on regarde un film?

Un projecteur de cinéma projette une suite d’images fixes à une cadence de 24 images par seconde. Quand ces images sont sur pellicule, chacune se fait remplacer par rotation intermittente des bobines. Entre deux, le projecteur insère un noir à l’aide d’un obturateur, plaque qu’il interpose entre sa lumière et l’écran pendant un temps très bref. En ralentissant le procédé, on verrait quelque chose qui ressemble à ça.

Sans cette plaque, on verrait le remplacement d’une image par une autre.

Si, en plus, on retire l’intermittence de la rotation…

Heureusement, le processus de remplacement d’image est suffisamment au point pour être indétectable.

La continuité visuelle à l’écran est autant un effet que la discontinuité en boite de nuit. Dans le premier cas, contraint par le discontinu, on cherche à reproduire le vrai. Dans le second, contraint par le vrai, on cherche le faux. D’où les questions sur le sens de la vie.

Un flash d’appareil photo réflex sait reproduire l’effet « boite de nuit », à différentes cadences. Les chiffres indiquent le nombre de flashs / seconde. Ces nombres correspondent aux cadences d’animation possibles.


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Flou de mouvement

Si la cadence de projection suffit à faire oublier le temps d’obscurité entre les images, elle n’assure pas à elle seule leur continuité. En analysant une séquence image par image, on voit que le moindre mouvement produit un flou qui correspond au continu du mouvement sur 1/24ème de seconde. Ainsi, c’est le tandem « cadence de projection + flou de mouvement » qui assure définitivement la continuité visuelle.

L’animation dessin par dessin, ou celle d’objets photographiés phase par phase, est faite de prises de vues fixes qui ne génèrent aucun flou de mouvement. On peut en introduire, mais de manière factice. Un dessin animé classique est fait de dessins à la ligne claire, auxquels on ajoute des trainées visuelles en cas de mouvement rapide. Mais même avec des mouvements lents, il est difficile d’atténuer totalement l’effet de discontinuité.

L’effet de scintillement est inhérent à l’affichage numérique.

Flou de mouvement

On voit par comparaison que la discontinuité est bien sensible dans la première animation. Seules des vitesses très basses, des images bénéficiant d’un traitement numérique, ou d’une cadence de projection plus rapide, permettent de l’oublier.


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Le cadran à aiguille

Observons la rotation de l’aiguille d’un indicateur à cadran à différentes vitesses. Dans le tableau animé suivant, l’aiguille du premier schéma tourne de 15° par image. D’un schéma à l’autre, la rotation par image augmente de 15°.

Le sens de rotation est parfaitement lisible jusqu’à 75°/image. De 90 à 270°/image, l’aiguille semble se comporter n’importe comment : soit elle change de sens, soit elle retrouve le bon, soit elle ne choisit pas. A partir de 270°, elle semble tourner à l’envers, de moins en moins vite, jusqu’à s’arrêter.

Peut-on dire alors qu’effectuer une rotation de 330° par image équivaut à en faire une symétrique de 30° dans l’autre sens?

Si on s’en tient à l’effet visuel, oui. Si on considère la réalité du mouvement, faire un tour par image, ce n’est pas être immobile. Dans les films, un indice évite de se tromper: le flou de mouvement.

Pour éviter l’effet stroboscopique avec un seul rayon, il suffirait a priori de veiller à ce que, d’une phase à une autre, la rotation de l’aiguille soit telle que le parcours effectué soit plus court que celui restant à faire pour boucler le cadran.

Voyons l’effet obtenu avec cinq angles de rotation respectant cette condition.


Le principe semble fonctionner jusqu’à 120°. A 150°, l’aiguille change subitement de sens. Pourtant, quand on l’observe image par image,  chacune est plus proche de la précédente que du terme de la rotation. L’aiguille semble bien tourner dans le sens horaire…

… tant que l’on n’augmente pas la cadence d’affichage!

Au problème de distance s’ajoute celui de la rémanence visuelle. Au plus on accélère, au plus on voit, non plus une phase après l’autre, mais deux phases ensembles. Et sur les deux, l’une est plus proche de la fin de boucle que de la phase précédente. C’est cela que retient le cerveau.

Plus simple à admettre: si l’aiguille pivote de 180° par phase, le parcours effectué vaut le parcours restant. Impossible d’en déduire un sens de rotation.

En suivant la logique de départ, on aurait pu croire qu’une rotation trop grande par phase donnerait l’illusion d’un changement de sens.

Encore une fois, c’est la rémanence visuelle qui tranche.

Il est impossible de parer à l’effet d’inversion. On ne peut l’éviter qu’en choisissant une rotation par phase inférieure au quart d’une rotation complète. Au-delà, l’effet visuel final est difficile à anticiper. Il faut tester.


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La roue qui tourne à l’envers

Les diligences avaient plus d’un rayon à leurs roues. L’une d’elles en avait douze. Nous la retiendrons pour voir comment obtenir l’effet stroboscopique en profitant d’une méthode propre au dessin animé: la réutilisation des phases.

Avec un seul rayon, nous parlions de boucler le cycle en faisant le tour du cadran. Mieux vaut dire que le cycle est bouclé quand le rayon a retrouvé sa position initiale, car avec une roue à 12 rayons identiques, on retombe sur la même phase chaque douzième de tour, soit tous les 30° (360°/12 rayons). Pour animer une telle roue, il suffit donc de la faire tourner d’un rayon au suivant.

En répétant le cycle sous la caméra, on ne perçoit pas la répétition continue d’un douzième de tour, mais bien une rotation complète.

1 cycle de 1 seconde, c’est 24 phases qui défilent à 24 p/s. Une rotation de 30°/seconde, c’est 1,25° / phase.

Pour accélérer le mouvement, on augmente la rotation par phase. Pour profiter du travail déjà fait, on retire 1 phase sur 2 des 24 initiales. L’angle de rotation passe de 1,25° à 2,5° par phase. L’accélération est doublée, la durée du cycle réduite de moitié. En une seconde, il passe deux fois.

Sur 24 phases, on peut en retirer de manière à n’avoir plus que 8, 6, 4, 3 ou 2 phases.

L’effet stroboscopique commence à se faire sentir sur les vitesses rapides. Le cycle en 2 phases semble bien aller en arrière… bof… non. Pas tout à fait.

Le cycle en 12 va 2 fois plus vite que celui en 24, avec un angle par phase de 2,5°

Celui

en 8 va 3 fois plus vite, avec un angle de 3,75°

en 6 va 4 fois plus vite, avec un angle de 5 °

en 4 va 6 fois plus vite, avec un angle de 7,5 °

en 3 va 8 fois plus vite, avec un angle de 10 °

en 2 va 12 fois plus vite, avec un angle de 15 °

On peut vouloir d’autres durées, des cycles en 5 ou 7, par exemple, mais comme ce ne sont pas des diviseurs de 24, il leur faut des phases spécifiques. De plus, la différence de vitesse avec des cycles en 4, en 6 ou en 8 est si minime qu’ils présentent peu d’intérêt, d’autant moins qu’on peut difficilement les synchroniser avec d’autres cycles ou de la musique.

Pour ralentir une animation, il suffit de rajouter des phases. Pour l’accélérer, il faut en retirer. On ne peut en deçà de 2 phases à 24p/s. Sauf à dire qu’un seul dessin est l’effet d’une rotation de 360° par phase.

Si on ne peut aller plus vite, comment obtenir l’effet stroboscopique en partant des mêmes phases? En prenant au mot ce que l’on dit de lui : il fait percevoir le mouvement à l’envers. Autrement dit, on l’obtient en inversant le sens des phases.

C’est tout!

L’aviez-vous deviné?

Pour donner l’illusion d’une rotation continue, notre roue à 12 rayons tourne de seulement 30° en 24 phases. Si on prétend faire un tour de roue complet, il faut donc  répéter autant de fois le cycle qu’il y a de rayons, ce qui nous amène à 12 secondes. Pour ceux qui aiment en faire le moins, le fait de rajouter  des rayons à la roue réduit le nombre de phases à produire. Avec une roue à 24 rayons, le cycle passe à 12 phases, soit 1/2 seconde. La vitesse de rotation est la même que la précédente. Par contre, il faut répéter le cycle 24 fois pour un tour complet.

Pour ceux qui acceptent d’en faire toujours plus, retirer des rayons augmente le nombre de phases à produire pour une même vitesse de rotation. Avec une roue à 8 rayons, il faut 36 phases par cycle, soit 1,5 seconde; une roue à 6 rayons, 48 phases, 2 secondes; une roue à 4 rayons, 72 phases, 3 secondes; une roue à 3 rayons, 96 phases, 4 secondes; une roue à 2 rayons, 144 phases, 6 secondes; et une roue à 1 seul rayon, 288 phases, 12 secondes.

Tout bien pesé, vaut-il mieux dessiner 12 x 24 rayons ou 288 x 1 rayon?

Réponse

Dans le cas des schémas présentés, le mieux est de dessiner une fois la roue et de la faire pivoter sous la caméra.

Cette animation, présentée dans une page précédente, pourrait difficilement être obtenue en produisant les phases à la main. Elle a été réalisée à l’aide d’un logiciel proposant des courbes Béziers. Ces courbes ont permis de contrôler l’évolution de la rotation d’un seul dessin d’aiguille, sur lequel a été rajouté un effet de flou qu’on ne peut obtenir en se contentant de réutiliser des images.

On peut associer les approches. En animation traditionnelle, on anime souvent le flou de mouvement d’une roue en quelques phases. Utilisé tel quel, ce cycle semble faire du sur place et suggère une vitesse constante. En l’accompagnant d’une légère rotation, il suggère des variations de vitesses.

Autre curiosité stroboscopique

En suivant la chenillette du regard quand elle entre à l’écran (1), on ressent le mouvement des maillons de la chenille, puis l’arrêt de ceux au sol en deçà d’une certaine vitesse. Pourtant, les maillons au sol ne bougent jamais. Pour s’en convaincre, il suffit de pointer du regard le point noir au-dessus du 2. Sans chercher à suivre la chenillette, on aperçoit, un bref laps de temps, les maillons au sol immobiles.


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L’art de piéger les moineaux

Vouloir reproduire un effet propre au cinéma que le cinéma a tout fait pour qu’on l’oublie, c’est quand même un comble! L’effet stroboscopique reste néanmoins à jamais un effet de magicien. Sans faire du cinéma, vous épaterez toujours un auditoire (jeune) en lui montrant le fameux Thaumatrope.

Quoi de mieux pour expliquer la stroboscopie?

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© Christophe Clamaron 2021

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