LE MILLE-PATTE
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Avant-propos
Le coup des mille pattes est surement un argument de vente. La palme en la matière revient au Illacme plenipes, qui n’en a que 752. Le plus dur fût de les compter, car il fait, au mieux, trois centimètres. Les plus longs myriapodes, 25 cm, ne sont pas forcément les mieux fournis. Selon les espèces, le nombre de paires de pattes varie en général entre neuf et deux cents.
On parle de myriapodes, mais aussi de centipèdes. Les manières de marcher diffèrent selon les espèces. Les chilopodes déphasent comme un bipède les pattes d’une même paire, tandis que les diplopodes les actionnent en même temps. Quand les premiers sont en mouvement, leurs colonnes de pattes sont parcourues de longues vagues, tandis que celles des seconds produisent des vaguelettes espacées. Aux premiers, cela leur permet d’être rapides et nerveux, aux seconds, d’être lents et placides. C’est mieux pour les premiers, qui se nourrissent des seconds (*).
Le monde des myriapodes mériterait qu’on s’y attarde, mais notre propos est d’observer l’effet d’une désynchronisation plus ou moins longue sur le comportement de l’ondulation qui longe leurs colonnes de pattes, sans considération d’espèce. Étude hypothétique, qui brouille la distinction entre un myriapode et un système de tissage mécanique.
(*) Nous en profitons pour rappeler que , le diplopode étant végétarien, sa fameuse recette du chilopode carné est une affabulation que nous ne cesserons de dénoncer.
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- Distribution d’un cycle sur une colonne
- Déphasage absolu ou relatif
- Trajectoire d’extrémité
- Évolution du motif selon le déphasage
- Comparaison de déphasages opposés
- Ce que dit la trajectoire de déplacement
- La cycloïde du mille-patte
- Croisements en colonnes
- Conclusion
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Distribution d’un cycle sur une colonne
Considérons un cycle de une seconde, soit 24 phases (à 24 p/s).
Dupliquons-le et déphasons sa copie de 1/2 période, soit 12 phases, le maximum possible.
Tandis que la première patte effectue une moitié du cycle, la seconde effectue l’autre moitié. Nous dirons que la durée du cycle se distribue sur deux pattes avec un déphasage de 12.
On peut la distribuer sur trois pattes avec un déphasage de 8,…
… sur quatre avec un déphasage de 6,…
… sur six avec un déphasage de 4,…
..sur huit avec un déphasage de 3,…
…sur douze avec un déphasage de 2…
…et sur vingt-quatre avec un déphasage de 1.
Distribuer ainsi la durée du cycle sur tous les éléments d’une colonne permet de faire boucler cette dernière sur elle-même. En dupliquant la colonne entière et en juxtaposant ses copies, on obtient de bout en bout un déphasage régulier.
Si vous suivez du regard la vague d’un bout à l’autre de la colonne, vous voyez des pattes immobiles qui glissent sur le sol. Si vous fixez le regard sur les points noirs qui les portent, vous les voyez bouger sur place. Si vous avez un malaise, cessez tout de suite.
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Retenons les expressions
Colonne déphasée de 1,2,3 etc
Quand on précise d’une colonne qu’elle est déphasée d’un certain nombre de phases, par exemple de 1, cela veut dire que chaque patte est déphasée de 1 de la précédente, et que ce 1 se cumule de patte en patte. Ainsi, relativement à la première patte…
… la seconde est déphasée de 1
la troisième de 1 + 1 soit 2
la quatrième de 1 + 1 + 1 soit 3
etc.
Sans précision de phase, une colonne déphasée peut donner n’importe quoi.
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Colonne bouclante
Une colonne bouclante comprend la distribution complète d’un cycle sur l’ensemble de ses éléments, par exemple un cycle en 24 phases sur une colonne de 24 éléments avec un déphasage de 1. Elle peut s’ajouter à elle-même, et devenir ainsi une portion bouclante de la colonne.
Si le cycle ne se distribue qu’en partie sur une colonne, celle-ci ne peut boucler. Elle n’est qu’une portion de colonne bouclante, et non une portion bouclante de colonne. Vous suivez?
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Déphasage absolu ou relatif
Le numéro sur chaque duo de pattes indique, en nombre de phases, le déphasage de la seconde sur la première.
Déphasage absolu
De 0 à 12, l’écart de mouvement entre pattes augmente. De 12 à 23, il se réduit. Autrement dit, déphaser le cycle de + 12 revient à le déphaser de – 12, un cycle de + 18, de -6, etc.
Autant parler en valeur relatives. Déphaser de 1 à 23, c’est déphaser de ± 1 à ± 12.
Déphasage relatif au sens du déphasage, en retard ou en avance
Attention toutefois : un retard ne vaut pas une avance. Un écart de + 3 donne le sentiment que la première patte (en tête de colonne) entraine la seconde. Un de – 3, que la seconde pousse la première. L’écart est équivalent, mais le rapport est inversé.
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Trajectoire d’extrémité
Cette patte simplifiée montre la trajectoire d’extrémité d’une enjambée sur place de une seconde, à toutes les cadences d’animations possibles. De la plus basse à la plus haute (de 1p/s à 24p/s), on passe, pendant la phase de suspension, du simple segment à une courbe.
Enfin, presque. Cette courbe est, au mieux, une ligne brisée de 24 segments, une approximation de la courbe que tracerait un mouvement continu. On peut repérer sur elle la position des phases, quelle que soit la cadence d’animation.
Prenons maintenant deux pattes de même enjambée, et faisons varier leur déphasage. Ce dernier n’a aucun effet sur la trajectoire des pattes,…
… mais il en a un sur le segment joignant leurs extrémités.
En prolongeant la colonne, on prolonge le segment qui révèle la trajectoire d’extrémité de la colonne. Celle-ci se partage entre une longueur d’appui et une autre de suspension, les deux semblant glisser sous les pattes quand la colonne avance.
Distribution d’un cycle en 24 phases: écart de 1 phase par patte.
La courbe de suspension reproduit la trajectoire d’une enjambée sur place, …
…mais dans une autre proportion.
Ainsi, si le segment entre deux pattes semble en mouvement, il n’est, en réalité, qu’une portion de la trajectoire d’extrémité, trajectoire en mouvement relativement au sol, mais immobile relativement à elle-même,…
… et qui répète sans cesse le même motif, dont la longueur vaut une portion bouclante de la colonne.
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Qui n’a essayé de dénombrer les pattes d’un mille-patte dès qu’il a su compter jusqu’à 10?