PRÉCISIONS SUR DES NOTIONS QUI NE TOMBENT PAS SOUS LE SENS
Selon cette intéressante vidéo produite en 2016 par l’Université Lyon 1, le pas est la distance entre deux appuis d’un même pied. Autrement dit, la distance entre deux pieds ne fait qu’un demi pas.
Pourtant, si vous demandez à un gosse de compter ses pas, il pense spontanément à la distance entre ses deux pieds. Qu’en penser?
Le pas est d’abord une unité de longueur. On parle de pas dans la distance répétée de manière saccadée par un mécanisme quelconque, la rotation d’une aiguille de montre, par exemple. Même si le mouvement d’une marche peut sembler continu, le principe de la saccade s’observe dans l’arrêt de chaque pied entre deux enjambées.
La succession des arrêts d’un pied, c’est celle de ses appuis. Si on s’en tient à la définition de la vidéo, tout cela est parfait. Il suffit de dire au gosse qui compte ses pas qu’il doit dire « je compte mes demi-pas », occasion pour lui de réviser ses maths.
Ce point de vue est d’ailleurs celui des grecs de l’antiquité, pour qui le pas valait une enjambée. Cependant, il en valait deux chez les romains, qui en précisaient la longueur en mode Procuste: 148 centimètres, soit deux petites enjambées. Quoi qu’il en soit, demandez à n’importe qui aujourd’hui, grec, romain ou voisin, de vous dire ce qu’il en sait, il commencera par dire que c’est évident, puis hésitera, puis demandera pourquoi vous posez toujours des questions.
Aussi avons-nous pris position en adoptant le point de vue le plus spontané, celui du gosse. Sa définition s’avérant très pratique pour les explications qui vont suivre, nous ne la reverrons qu’en cas de plainte déposée en bonne et due forme par un linguiste certifié.
L’essentiel étant de se mettre d’accord.
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- Le cycle,
- Le pas
- L’enjambée
- Amplitude du cycle
- Rapport pas/enjambée
- Marche symétrique
- Marche claudicante
- Marche en crabe
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Cycle de marche
Un mouvement cyclique est un mouvement qui se répète régulièrement à l’identique. On parle aussi de mouvement périodique. La période renvoie à la durée du cycle, et le cycle, à ce que l’on voit.
Animer un cycle consiste à faire en sorte que la première phase d’un mouvement boucle sur la dernière. Sa répétition ne permet pas de deviner quelle est la première phase de l’animation, qui peut être n’importe laquelle. Quand on anime un cycle de marche, on peut donc indifféremment commencer par un pied levé ou les deux pieds au sol, par une phase ou sa symétrique. A l’écran, cela reviendra au même.
La seule conséquence est une différence dans la longueur totale du cycle, dont il faut tenir compte lors de la mise en place l’animation. Différence qui ne change en rien le déplacement.
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Le pas
Dans une marche, un pas est la distance de profil entre deux points d’appuis successifs. Un bipède avance de deux pas par cycle. Deux pas successifs ne sont pas nécessairement égaux. Mais la répétition d’un cycle assure l’égalité un pas sur deux (le pas droit est toujours égal au pas droit, et le pas gauche, au pas gauche).
La longueur d’un pas est indiqué par une phase en double appui, quand les deux pieds sont au sol. Un pied ne correspond pas à un point d’appui mais à une surface d’appui.
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Attention donc à la manière de déterminer un pas: il peut aller de l’arrière ou de l’avant d’un pied à l’arrière ou à l’avant de l’autre, mais ne peut pas aller de l’arrière de l’un à l’avant de l’autre.
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L’enjambée
L’enjambée est le mouvement du pied qui consiste à passer d’un appui à un autre lors d’une marche. Ces deux appuis successifs d’un même pied forment la distance d’enjambée. Les phases d’enjambées sont, pour un pied, les phases en appui simple de l’autre.
Dans une marche, l’enjambée commence par une phase en double appui et termine par une autre phase en double appui. Ces phases valant un pas, l’enjambée vaut deux pas.
Dans une marche cyclique, les deux pas peuvent être de longueurs inégales. Par contre, la longueur des deux enjambées est toujours égale. Qu’un pied recouvre un petit puis un grand pas, ou que l’autre en recouvre un grand puis un petit, cela revient au même.
Des enjambées successives inégales indiquent une marche qui accélère ou ralentit au fil des pas, c’est à dire une marche non cyclique.
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Amplitude d’un cycle de marche
D’une manière générale, l’amplitude d’un mouvement est la mesure nécessaire pour positionner son animation sur le papier.
Concernant un cycle de marche, on s’intéresse en particulier à son amplitude au sol, qui permet de caler les pieds. Elle ne recouvre pas forcément un mouvement complet (balancement excessif des bras, par exemple). C’est souvent le cas en vue de profil, plus rare en vue de face.
Un cycle de marche consiste à faire deux pas. Sa longueur dépend du moment où l’on fait démarrer le cycle. Si le cycle débute sur une phase en milieu d’enjambée, il recouvre deux pas.
S’il débute sur une phase en double appui, il recouvre trois pas.
Dans les deux cas, le report du cycle allonge la distance de deux pas.
Un cycle de marche consiste aussi à faire deux enjambées. On pourrait dire que, l’une recouvrant l’autre sur un pas, la longueur du cycle fait une enjambée et demi, mais ce n’est vrai que si les pas sont égaux.
Débuter par une phase en double appui permet de voir les deux trajectoires d’enjambées complètes, qui se recouvrent sur le double appui suivant. Si on débute sur un pied levé, l’une d’elle se décompose en deux moitiés.
Aucune obligation cependant. Le choix de la première phase tient d’une préférence d’animateur selon la marche qu’il anime.
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Rapport pas/enjambée
Le rapport entre pas et enjambée est intéressant à observer sur différentes marches de profil. Les enjambées étant toujours égales, il n’y a qu’à constater leur positions relatives de l’une à l’autre. Les pas, eux, montrent la distance parcourue en un cycle, et l’amplitude nécessaire à la mise en place de l’animation.
Les cycles qui vont être présentés débutent par une phase en double appui. Seront à chaque fois indiquées l’amplitude du cycle et la distance de déplacement, le pas de la première phase servant d’unité de mesure.
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Marche symétrique
Amplitude du cycle = 3 pas Distance effectuée = 2 pas
Une marche symétrique consiste à faire des pas de même longueur et de même durée de façon cyclique. De cette manière, chaque pose d’une marche est symétrique à une autre, désynchronisée d’une demi période. En vue de profil, les enjambées se croisent par moitiés.
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Marches claudicantes
Amplitude du cycle = 2,5 pas Distance effectuée = 1,5 pas
Une marche claudicante consiste à faire un pas plus court que l’autre. Dans ce cas, les pas sont égaux tous les deux pas, non plus d’un pas sur l’autre. Leur durée peut être différente, mais pas nécessairement.
La valeur de 0,5 n’est qu’indicative, elle peut varier entre 0 et 1.
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Cette autre marche claudicante réduit à 0 la longueur du pas droit. Les enjambées se relayent sans plus se chevaucher.
Amplitude du cycle = 2 pas Distance effectuée = 1 pas
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Nous mettons ici en évidence des rapports de distance, mais une autre marche claudicante consiste à cumuler des pas d’égale distance mais de durées différentes.
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Marche en crabe
Amplitude du cycle = 1,5 pas Distance effectuée = 0,5 pas
Quand on imagine une personne marcher en crabe, on la voit marcher de manière transversale, comme si elle longeait un mur le dos collé contre. Mais si on pivote le bassin dans le sens du déplacement, ce n’est pas très différent.
Nous caractérisons cette marche par le fait que deux enjambées d’un même cycle, non seulement ne se chevauchent pas de profil, mais ne se rejoignent même pas. Il en résulte un pas positif, du pied droit au pied gauche, suivi d’un pas négatif, du pied gauche au pied droit. Ce pas négatif n’est pas surplombé par une enjambée du même cycle.
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A ceux qui prétendent que cette « marche en crabe » est en réalité la « marche du bagnard », car il tire un boulet enchainé à son pied, nous répondrons que, le rêve de tout bagnard étant d’avoir une bonne pince, c’est un peu chipoter.
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Postscriptum
J’ai écris ce chapitre en décembre 2021, après bien des recherches sur la définition précise des notions qu’il présente. J’ai ouvert des dictionnaires, posé la question sur des forums, ici de mathématiques, là sur la langue française. Il m’a été impossible de m’y forger une certitude, chaque interlocuteur y allant de sa petite définition bricolée au moment où il recevait la question, ne voyant pas a priori le problème qu’elle soulevait. Je tombais sans cesse d’une chapelle à une autre, de celle qui disait que le pas allait d’un appui à un autre du même pied, à celle qu’il allait de l’appui d’un pied à l’appui de l’autre. Certains avançaient que l’enjambée ou le pas, c’était la même chose, s’appuyant sur quelque dictionnaire. Parmi ceux qui voulaient bien distinguer les deux termes, les uns les définissaient d’une manière, les autres d’une manière inverse. Bref, entamer un dossier sur les pieds sans savoir précisément de quoi on parle m’a mis dans l’inquiétude d’avoir à poser mes propres définitions, au risque d’en trouver après coup de fiables qui contredisent les miennes.
Et puis m’est venue une idée saugrenue. Si j’allais voir de l’autre coté de la Manche? C’est ainsi que j’ai découvert que mes définitions correspondent en tout point à ce qu’en disent les anglo-saxons. Enfin, ce qu’ils en disent… Pas leurs dictionnaires, qui sont aussi flous que les nôtres, mais leurs sites de recherches sur la marche.
Schéma trouvé sur le site « researchgate »
Certes, ces gens n’ont pas de tout temps été nos amis. Mais je pense pouvoir rassurer le lecteur qui a lu avec attention ce chapitre, il n’a pas été induit en erreur.
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© Christophe Clamaron 2021