
L’animal avançait en tortillant du cou à la manière d’un gosse préparant sa demande.
– Par ces temps difficiles, je viens apporter l’espoir.
Un signe d’espoir à cette époque, c’était louche.
– Qui t’a commandité pour jouer la colombe ? lui demandais-je.
– Mon bon ami, je prêche où mon pas lent et pataud m’emmène.
De prime abord, j’étais méfiant. Un jour, j’ai accueilli un canard perdu, et je sais combien ça fiente.
– Oiseau de mauvais augure ! La terrasse est propre!
Les oiseaux n’ont pas l’œil expressif. Pour obtenir ma compassion, celui-ci courbait alternativement son cou d’un coté puis d’un autre, offrant à mon regard deux motifs symétriques et successifs qui, quand on les réunit, forment un cœur. Je finis par m’attendrir. Ma main, d’abord prête à frapper, s’avança en présentant un doigt, celui que l’on tend en salut aux martiens. En réponse, l’oiseau tendit subitement son cou en claquant du bec.
Retirant de justesse mon doigt, j’empoignais le cou pour porter le cygne, comme un sac, au premier barbecue.
– Tu n’as pas le droit ! s’égosillait, sans s’excuser, l’animal.
– Pour faire valoir des droits, il faut être un humain. Et j’ai beau t’observer, tu ne m’en as pas l’air.
– Méfie-toi, mécréant! Seule la reine d’Angleterre peut mâcher de ma chaire !
Le propos étant vérifiable, j’ai suspendu mon geste. Puis, ayant réfléchit, j’ai expédié l’oiseau, faisandé et farci, à Elizabeth. Si on veut l’abri d’une aile, autant choisir la bonne personne.
C. Clamaron